Parcourez le fleuve avec les écrivains et les écrivaines

Paris - Hors-lieu

À l’origine, la Seine était un obstacle ; et le site aujourd’hui connu sous le nom de Paris, un gué. La grande capitale conserve, par tant de manières différentes, ce rôle premier de liaison. Le fleuve, en revanche, ne sépare plus les populations comme jadis. Il les fédère : l’antagoniste primitif de Paris était appelé à devenir son plus important adjuvant.
Pour Jules César, la Seine divise le territoire et détermine les aires de répartition des peuples de la Gaule. Chez Jacques Réda, elle unit le moi du promeneur à l’avertisseur d’incendie planté sur l’autre berge. Entre les deux coule le fleuve, frontière devenue grand miroir trouble. Et s’écoulent deux mille ans d’histoire.
Les chroniques du Moyen-Âge montrent la rivière comme une menace déchaînée. Dans ces récits, la religion représente l’unique rempart contre les colères divines. Il est vrai que l’Église est parvenue à s’imposer en région parisienne en éradiquant des fléaux proprement séquanais : inondations, certes, mais aussi miasmes des terres inondables, criminalité et pauvreté concentrées sur les berges. Maux du corps et de l’âme.
L’imaginaire de la Seine à Paris délaissera ensuite ces problèmes, trop bas et concrets au goût du classicisme. Le fleuve devient alors, plus que tout autre chose, un symbole. Symbole de richesse, de fertilité, de pouvoir, c’est-à-dire symbole national : chez Malherbe, chez Racine, et encore chez Anne-Marie du Boccage.
Bientôt apparaissent des scènes plus intimes, où la Seine prend valeur de confidente, voire d’amie, par exemple sous les plumes d’Anne de La Vigne, d’Antoinette Deshoulières, de Paul Pellisson ou, plus de cent ans après, de Marceline Desbordes-Valmore. Ces bergeries où germe le romantisme relient d’un trait l’âge classique au premier XIXe siècle, en passant par les Lumières d’un Lebrun-Pindare ou d’une Marie-Émilie de Montanclos.
Apprivoisée et de mieux en mieux exploitée par la technique moderne, la Seine devient sous la Monarchie de Juillet un décor hybride, combinant à la fois les charmes de la nature et les bénéfices (ou les affres) de l’urbanité. Balzac, Hugo et leurs suites magnifient le fleuve, en font un élément primordial du grand mythe de Paris, capitale du siècle.
Plus le grand serpent parisien s’empierre, plus il marque l’imaginaire. Maintenant illustre, il se décline dès lors en lieux spécifiques qui sont autant de facettes transfigurées dans telle description panoramique ou telle vision poétique. Daudet offre le port de Bercy ; Apollinaire, le pont Mirabeau. L’île Saint-Louis est croquée par Zola, Hemingway, Aragon ; Paris-plage, par Houellebecq ; la courbe de Saint-Cloud et de Sèvres, par Anna de Noailles. Quelques méandres plus bas, vers Neuilly, Judith Gautier canote, comme auparavant Maupassant à la hauteur d’Argenteuil et de Croissy.
Les textes mettant en vedette le fleuve à Paris et en banlieue parisienne font ressortir quelques points focaux. Au premier chef Notre-Dame, avec « ses arcs-boutants semblables à des côtes de poisson gigantesque », selon Théophile Gautier. Proches rivaux, le Pont-Neuf, le vieux Louvre et la regrettée tour de Nesle, à quoi il faut ajouter, plus macabres, la Morgue sans cesse déplacée et, ubiquitaire, l’Inconnue de la Seine. De quoi bonifier substantiellement les circuits touristiques.

image de Sans titre Sans titre © François Guillotte
Madame Deshoulières, gravure aquarellée, 1841.
Antoinette DESHOULIERES
« Le Ruisseau », 1684 / Paris-Hors lieu
Anne De La Vigne, Portrait, dans Charles Devrits, <i>Poètes normands</i>, 1845
Anne DE LA VIGNE
« La Passion vaincue », 1693 / Paris-Hors lieu
Anne-Marie Du Boccage, Portrait, dans Charles Devrits, <i>Poètes normands</i>, 1845
Anne-Marie DU BOCCAGE
La Colombiade, 1756 / Paris-Hors lieu
Amable Tastu par Constance Mayer.
Amable TASTU
« Peau-d’Âne. Mythe », 1835 / Paris-Hors lieu
Lettre autographe d’Anaïs Ségalas à Antony Samuel Salomon, 1840, catalogue de vente
Anaïs SÉGALAS
« Le Flâneur », 1864 / Paris-Hors lieu
H. Fantin-Latour, <i>Coin de Table</i>, Ernest Hervilly 1er assis à gauche, 1872
Ernest HERVILLY
« Une jeune femme à la mer », 1876 / Paris-Hors lieu
Portrait de Marceline Desbordes-Valmore  par Joseph Constant Desbordes.
Marceline DESBORDES-VALMORE
« À la Seine », 1819 / Paris-Hors lieu