Saint-Cloud
Saint-Cloud is a town located in the department of Hauts-de-Seine. It stretches along the hills overlooking the left bank of the Seine, opposite the Bois de Boulogne. It is home to the Parc de Saint-Cloud, classed on the list of national historical landmarks.
Le Roman comique, 1651 / Saint-Cloud
Paul SCARRON
Paul Scarron (1610–1660), who was highly successful for his burlesque verses, published in 1651 the first volume of a satirical novel that is now his best-known work. Le Roman Comique (1651-58) was against the flow of romance novels that were fashionable back then. It multiplies humorous turnarounds and funny misadventures that are written in a simple and direct style that would inspire Théophile Gautier to write his famous novel Captain Fracasse (1853). The story introduces the incredible escapade of theatrical troupe members in Le Mans and its surroundings, and showcases Le Destin and his friend La Rancune grappling with the evil genius Saldagne, a gentleman tracking them down everywhere, seeking to avenge an affront. One of the episodes told by Le Destin takes place at Saint-Cloud where the Seine is in the limelight.
« [N]ous allâmes un jour nous promener à St. Cloud, pour faire prendre l’air à notre malade. Notre hôtesse fut de la partie, et la Rancune aussi. Nous prîmes un bateau, nous nous promenâmes dans les plus beaux jardins ; et, après avoir fait collation, la Rancune conduisit notre petite troupe vers notre bateau, tandis que je demeurai à compter dans un cabaret avec une hôtesse fort déraisonnable, qui me retint plus long-tems que je ne pensais. Je sortis d’entre ses mains au meilleur marché que je pus, et m’en retournai rejoindre ma compagnie. Mais je fus bien étonné de voir notre bateau fort avant dans la rivière, qui ramenait mes gens à Paris sans moi, et sans me laisser même un petit laquais qui portait mon épée et mon manteau. Comme j’étais sur le bord de l’eau, bien en peine de savoir pourquoi on ne m’avait pas attendu, j’ouïs une grande rumeur dans un bateau ; et, m’en étant approché, je vis deux ou trois gentilshommes, ou qui avaient la mine de l’être, qui voulaient battre un batelier, parce qu’il refusait d’aller après notre bateau. J’entrai à tout hasard dans ce bateau dans le temps qu’il quittait le bord, le batelier ayant eu peur d’être battu. Mais, si j’avois été en peine de ce que ma compagnie m’avait laissé à Saint Cloud, je ne fus pas moins embarrassé de voir que celui qui faisait cette violence, étroit le même Saldagne à qui j’avais tant de sujet de vouloir du mal. Au moment que je le reconnus, il passa du bout du bateau où il était, à celui où j’étais. Fort empêché de ma contenance, je lui cachai mon visage le mieux que je pus ; mais, me trouvant si près de lui qu’il était impossible qu’il ne me reconnût, et me trouvant sans épée, je pris la résolution la plus désespérée du monde, dont la haine seule ne m’eût pas rendu capable, si la jalousie ne s’y fût mêlée. Je le saisis au corps dans l’instant qu’il me reconnut, et me jetai dans la rivière avec lui. Il ne put se prendre à moi, soit que ses gants l’en empêchassent, ou parce qu’il fut surpris. Jamais homme ne fut plus près de se noyer que lui. La plupart des bateaux allèrent à son secours, chacun croyant que nous étions tombés dans l’eau par quelque accident ; et Saldagne seul sachant de quelle façon la chose était arrivée, n’était pas en état de s’en plaindre sitôt, ou de faire courir après moi. Je regagnai donc le bord sans beaucoup de peine, n’ayant qu’un petit habit, qui ne m’empêcha point de nager ; et l’affaire valant bien la peine d’aller vite, je fus éloigné de Saint-Cloud, avant que Saldagne fût pêché. Si on eut bien de la peine à le sauver, je pense qu’on n’en eut pas moins à le croire, lorsqu’il déclara de quelle façon je m’étais hasardé pour le perdre ; car je ne vois pas pourquoi il en aurait fait un secret. Je fis un grand tour pour regagner Paris, où je n’entrai que de nuit, sans avoir eu besoin de me faire sécher, le Soleil et l’exercice violent que j’avois fait en courant, n’ayant laissé que fort peu d’humidité dans mes habits. Enfin, je me revis avec ma chère Léonore, que je trouvai véritablement affligée. La Rancune et notre hôtesse eurent une extrême joie de me voir, aussi bien que mademoiselle de la Boissière […]. Elle me fit des excuses en particulier, de ce que l’on ne m’avait pas attendu, et m’avoua que la peur qu’elle avait eue de Saldagne, l’avait empêchée de songer à moi ; outre qu’à la réserve de la Rancune, le reste de notre troupe n’eût fait que m’embarrasser, si j’eusse eu prise avec Saldagne. J’appris alors qu’au sortir de l’hôtellerie, ou du cabaret où nous avions mangé, ce galant homme les avait suivis jusqu’au bateau ; qu’il avait prié fort incivilement Léonore de se démasquer ; et que sa mère l’ayant reconnu pour le même homme qui avait attenté la même chose à Rome, elle avait regagné son bateau fort effrayée, et l’avait fait avancer dans la rivière sans m’attendre. Saldagne cependant avait été joint par deux hommes de même trempe ; et après avoir quelque tems tenu conseil sur le bord de l’eau, il était entré avec eux dans le bateau, où je le trouvai, menaçant le batelier pour le faire aller après Léonore. Cette aventure fut cause que je sortis encore moins que je n’avois fait. »
SCARRON, Paul. Le Roman comique [1651], dans Œuvres de Scarron, nouvelle édition, plus correcte que toutes les précédentes, Paris, J.F. Bastien, 1786, t. II, p. 139-141. / français modernisé par Carine Roucan.
16th-17th century | Novel, short story | On | In | Along
Le Berger extravagant, 1627 / Saint-Cloud
Charles SOREL
The incipit of the novel Charles Sorel (1600–1674) had published in 1627, Le Berger Extravagant, that has the subtitle Anti-Roman since its republication in 1633-34, introduces a surprising character: a Parisian merchant’s son who, confused by eagerly reading pastoral novels in the same vein as L’Astrée (1607–1627), decided to live as a shepherd on the Seine’s bank. In his quest to reenact and to perfect the adventure stories he read, Lysis, the extravagant shepherd, meets nymphs, river gods, and all kinds of personifications of the Seine, the Marne, the Grand Morin and other tributary rivers. The important fluvial or riparian dimension of this satirical story, combining farce and pastoral novels, contributes to embody the marginality of this protagonist with daft ideas.
« Paissez, paissez librement, chères brebis, mes fidèles compagnes : la Déité que i’adore a entrepris de ramener dedans ces lieux la félicité des premiers siècles, et l’Amour même qui la respecte se met l’arc en main à l’entrée des bois et des cavernes, pour tuer les loups qui voudraient vous assaillir. Tout ce qui est en la Nature adore Charité. Le Soleil trouvant qu’elle nous donne plus de clarté que lui, n’a plus que faire sur notre horizon, et ce n’est plus que pour la voir qu’il y revient. Mais retourne-t’en, bel astre, si tu ne veux qu’elle te fasse éclipser pour prêter à rire aux hommes. Ne recherche point ta honte et ton infortune, et te plongeant dedans le lit que te prépare Amphitrite, va dormir au bruit de ses ondes.
Ce sont les paroles qui furent entendues un matin de ceux qui les purent entendre, sur la rive de Seine en une prairie proche de Saint-Cloud. Celui qui les proférait chassait devant lui une demi-douzaine de brebis galeuses, qui n’étaient que le rebut des bouchers de Poissy. Mais si son troupeau était mal en point, son habit était si chargé d’ornements, que l’on voyait bien que c’était là un Berger de bonne réputation. »
Charles SOREL, Le Berger extravagant, où parmi des fantaisies amoureuses on voit les impertinences des Romans & de la Poésie [1627], Paris, Toussainct du Bray, 1628, p. 1-3 /français modernisé par C. Roucan.
En ligne : fr.wikisource.org
16th-17th century | Novel, short story | Along
« Les bords de Seine », 1907 / Saint-Cloud
Anna de NOAILLES
The Seine bears one of the first roles among Anna de Noailles’ (1876–1933) Éblouissements, published in 1907. The river is the connecting point between two short poems with twelve verses each that illustrate spring mornings: “Les bords de la Seine” and “Un matin à Neuilly”. We come to ask ourselves if these two beautiful portraits of the poetically transfigured river are drawn from the same viewing point, a few hundred metres or around ten days apart. The first is dominated by synaesthesia.
« Calme matin de mai, détendu dans la joie !
Le jour est vert et bleu par l’arbre et par le ciel,
Le pré délicieux fait lui-même son miel,
Tout l’univers s’élance et c’est l’azur qui ploie…
La Seine illustre coule, eau douce qui sourit
Par tous ses lents frissons charmants comme des lèvres,
Eau qui tend un miroir aux collines de Sèvres
Et baigne mollement Saint-Cloud près de Paris.
Ah ! que le jour est beau ! Je crois que je peux prendre
Tout ce bonheur sur moi d’un geste immense et rond.
Comme le jour est doux ! Et l’odeur du goudron
Luit comme une aile noire au-dessus du flot tendre… »
Anna de NOAILLES, « Les bords de la Seine », Les Éblouissements, Paris, Calmann-Lévy, 1907, p. 201. fr.wikisource.org
20th century | Poems | Along
À la recherche du temps perdu. La Prisonnière / Saint-Cloud
Marcel PROUST
In The Prisoner by Marcel Proust, the narrator and Albertine—with whom the former is deeply in love—leave their apartment in the West of Paris for a stroll in the Bois de Boulogne. On the way, the Seine, and Saint-Cloud in the distance, can be contemplated.
« Ailleurs une bande nombreuse jouait au ballon. Toutes ces fillettes avaient voulu profiter du soleil, car ces journées de février, même quand elles sont si brillantes, ne durent pas tard et la splendeur de leur lumière ne retarde pas la venue de son déclin.
Avant qu’il fût encore proche, nous eûmes quelque temps de pénombre, parce qu’après avoir poussé jusqu’à la Seine, où Albertine admira, et par sa présence m’empêcha d’admirer, les reflets de voiles rouges sur l’eau hivernale et bleue, une maison blottie au loin comme un seul coquelicot dans l’horizon clair dont Saint-Cloud semblait plus loin la pétrification fragmentaire, friable et côtelée, nous descendîmes de voiture et marchâmes longtemps; même pendant quelques instants je lui donnai le bras, et il me semblait que cet anneau que le sien faisait sous le mien unissait en un seul être nos deux personnes et attachait l’une à l’autre nos deux destinées.
À nos pieds, nos ombres parallèles, rapprochées et jointes, faisaient un dessin ravissant. Sans doute il me semblait déjà merveilleux à la maison qu’Albertine habitât avec moi, que ce fût elle qui s’étendît sur mon lit. Mais c’en était comme l’exportation au dehors, en pleine nature, que devant ce lac du Bois que j’aimais tant, au pied des arbres, ce fût justement son ombre, l’ombre pure et simplifiée de sa jambe, de son buste, que le soleil eût à peindre au lavis à côté de la mienne sur le sable de l’allée. Et je trouvais un charme plus immatériel sans doute, mais non pas moins intime, qu’au rapprochement, à la fusion de nos corps, à celle de nos ombres. »
Marcel PROUST, À la recherche du temps perdu, La Prisonnière, La Prisonnière [1923]. Citation extraite du volume « GF », 1984, p. 272
20th century | Novel, short story | Along
« Lettre à Emil, 1er avril 1930 » / SAINT-CLOUD
Henry MILLER
The American writer, Henry Miller, was staying in Clichy in the 1930s. From a restaurant in the neighboring town of Suresnes, he wrote to his friend, Emil Schnellock, back in the United States, and told him of his impressions of France whilst writing his “Parisian” novel, Tropic of Cancer. The sight of the Seine conjures up associations with places in America and is reminiscent of other trips and other rivers, including the Rhein.
« Bon ! Saint-Cloud. J’y suis ! Comment la décrire ? À moins que tu aies déjà vu une petite ville française au bord d’une rivière, c’est presque impossible de s’en faire une idée. C’est, un tout petit peu, comme chez nous la baie de Sheepshead, sans être aussi coloré. L’activité est réduite sur la Seine, il y a moins de monde. Les ouvriers sont affalés sur la rive et prennent leur repas. Bouteilles, salamis, grosses miches de pain sont déballés. Ils se reposent. Nous ne savons pas ce que ce mot veut dire. Comme ils se reposent ! Cela te rendrait jaloux ! Chalands, péniches, remorqueurs, sont amarrés. L’un de ces bateaux est baptisé Surprise – mais je doute que cela signifie une surprise. On ne sait jamais ce que les mots usuels signifient en fin de compte.
Maintenant je marche. Je marche en direction de la localité voisine. Suresnes. Un court trajet. J’ai emporté mon manuscrit. […] Des gars flemmardent sur la rive, en tricots et pantalons kaki. Ça rappelle le Rhin et l’envie qui me prenaient en regardant les cyclistes qui roulaient au niveau du bateau sur lequel nous voyagions. Oui, il n’y a rien de tel au monde que de voyager – d’aller çà et là, avec un sac à dos et une couverture – peut-être un bout de saucisson et une bouteille de vin rouge. »
Henry MILLER, « Lettre à Emil, 1er avril 1930 », Lettres à Emil [1944, 1995 pour la traduction française], Paris, Christian Bourgeois, 1999, p. 76 (collection « 10/18 »)
20th century | Personal essay | On | Along